La petite histoire de l’ARD

France et moi avons découvert Dunany en 1996. Au printemps de cette année-là,  nous avons acheté la maison de Minnie Gain. Il n’y avait pas de fosse septique, seulement un puisard. Un réservoir d’huile de mille gallons – non pas des litres, des gallons – était enfoui près de la maison, non loin du lac. La pelouse s’étendait jusqu’au mur du lac. La maison n’avait pas de gouttières. L’entrée était pavée de vieille asphalte. Lorsqu’il pleuvait, un mur d’eau dévalait vers la maison puis vers le lac charriant plein de nutriments. Je soupçonne qu’elle n’était pas la seule dans cet état.

Wels Marshall – premier président de l’ARD

Au commencement…

Essayez d’imaginer ce que devait être la situation au début des années 60. Je vous cite un extrait d’un communiqué de presse émis par l’association à l’été 1972: « L »ARD a été fondée par un groupe de résidents de Dunany désespérés par l’état des lieux, qui croyaient en la nécessité de développer la solidarité par la mise sur pied d’une association. Peter Palmer  que l’on appelait familièrement Monsieur le maire – présidait l’association cette année-là. Allez à cette page pour lire le communiqué.

Je vous cite maintenant un extrait du rapport du «Pure Water Committee» alors présidé par Wels Marshall, notre premier président: «il nous a été impossible de monter une campagne contre ceux qui polluent nos cours d’eau et ce, pour plusieurs raisons:

  • D’abord l’apathie du public
  • Les insultes qu’ont du subir les membres du comité
  • Les continuelles excuses des autorités sanitaires qui se disent toujours débordées»

Et çà continue…

Je reviens aux toutes premières priorités de l’association.

Le Canton de Dunany?

À cette époque, l’association avait deux grandes préoccupations: la mise en place de services municipaux de base tels que l’enlèvement des ordures, l’électricité,  l’état des routes et surtout l’organisation municipale. En fait, l’association a déployé à l’époque une énergie considérable pour convaincre les autorités provinciales de donner un statut de municipalité à Dunany. Et si ce statut ne pouvait lui être accordé, l’association avait un plan B: regrouper à Wentworth les sections de Dunany se retrouvant soit à Chatham, à Gore ou à St-Jérusalem (annexé quelques années plus tard à Lachute).

La requête a finalement abouti sur le bureau de Pierre Laporte alors ministre des Affaires municipales dans le gouvernement Lesage (1966). On se rappellera que c’est ce même Pierre Laporte qui a été kidnappé et tué par la FLQ durant la crise d’octobre. Vous trouverez la lettre en vous rendant sur cette page. Ce que dit Pierre Laporte c’est que le Québec compte déjà trop de municipalités – plus de 1600 – et que le gouvernement voudrait en réduire le nombre par des fusions. Aujourd’hui, population a plus que doublé et le nombre a légèrement diminué.

Le «Pure Water Committee»

Lorsque les espoirs de voir Dunany devenir une municipalité se sont évanouis, l’association a décidé de consacrer ses énergies à l’amélioration de la qualité de l’eau dans ses lacs. À cette époque, environ le tiers des chalets et résidences n’avaient pas de fosses septiques, que les puisards. Évidemment, l’eau était loin d’être potable et à peine acceptable pour la baignade.

À cette époque, l’ARD mesurait les coliformes, généralement une fois l’an. Évidemment, comme il fallait s’y attendre, les résultats étaient fort variables. Mais il était clair que des déchets humains  se retrouvaient dans nos lacs qui se détérioraient rapidement. L’association, sous l’impulsion de Wels Marshall, alors président du comité sur l’eau pure, a décidé d’aller à la source du problème: des installations sanitaires déficientes et la déforestation.

À la chasse aux délinquants

Le procès verbal de la réunion annuelle de 1976 est éloquent. J’en cite un extrait: « Un rapport montrant l’évolution des installations sanitaires entre 1969 et 1976 a été distribué aux membres. Les noms des propriétaires dont les résidences ont des installations déficientes ont été affichés. Tous les membres présents à la réunion ont reçu les résultats pour leur lac. Ceux qui croient que la cote qui leur a été attribuée (A, B, C,ou D) est incorrecte peuvent nous le signaler par écrit. Pas de téléphones s’il vous plait!»

Les coupes à blanc autour des lacs causaient aussi de sérieux problèmes. La situation est devenue tellement problématique que Wels Marshall s’est senti obligé de la dénoncer aux autorités. C’est ainsi qu’il a écrit au Dr. Victor Goldbloom, alors ministre responsable de la qualité de l’environnement, pour lui demander de mettre fin aux coupes à blanc sur deux propriétés autour du lac Clair dont celle ou se trouve la maison que j’habite aujourd’hui. Ces coupes créaient beaucoup d’érosion et ajoutaient des nutriments au lac, surtout du phosphore. Un extrait de la lettre; «Ces coupes ont non seulement produit un désastre écologique en charriant beaucoup de phosphore dans le lac, elles ont aussi laissé un terrain en friche propice aux feux de forets». Vous trouvez l’intégrale de cette lettre et de celle qu’il a écrite au Garde feu en chef du Québec en cliquant ici.

Toutes ces démarches on progressivement amené l’association à établir un programme de restauration des rives qui a eu une longue vie.

La pire routes du Canada

«Des citoyens en colère exigent qu’on répare la pire route du Canada». Ainsi titrait le Watchman ce 14 juillet 1982. Ces citoyens en colère étaient les résidents de Dunany sous l’impulsion de leur président du comité des routes, chevalier sans peur et sans reproches, Peter Palmer. Après avoir avalé St-Jérusalem, Lachute est devenue responsable de l’entretien du chemin de Dunany mais sans budget pour le faire. Il a fallu que la route soit transférée au Ministère de la Voirie d’alors pour que les travaux de restauration débutent. C’est son successeur, le Ministère des Transports du Québec qui assume maintenant la responsabilité de ce chemin.

L’ARD s’est aussi attardé à plusieurs autres dossiers tels que la prévention des incendies, la sécurité «Bon voisin, bon œil» et la chasse aux castors. En 1988, pas moins de 17 d’entre eux ont du être «relocalisés».

Peter et Geraldine Palmer

La qualité de l’eau: de C à B

C’est toutefois la qualité de l’eau dans nos lacs qui est toujours demeurée à l’avant scène du projet de l’ARD. Comme on l’a dit précédemment, l’ennemi, à l’époque, c’était les coliformes fécaux. On y mesurait aussi le Ph (acidité). C’était l’époque des pluies acides! En 1989, le comité sur l’eau pure rapporte que les lacs sont en excellente condition. L’année suivante, on annonce que les résultats sont tout simplement décourageants. Trois lacs ont la cote C, un  seul atteint la cote B: le lac Black. En 1985, selon les dossiers de l’association, 85% des installations sanitaires étaient conformes même si,  en 1981, le gouvernement du Québec avait finalement mis en vigueurs son règlement sur les installations sanitaires des résidences dans les régions sans services d’égout municipaux.

Il a fallu des efforts constants de l’ARD pour que les municipalités se décident à mettre en place une réglementation municipale et inspectent systématiquement les installations.

Un réveil brutal mais une belle conclusion

Durant les années 90, l’ARD a poursuivi le travail de ses pionniers, continué son travail de surveillance de nos lacs, de promotion d’installations sanitaires modernes et de restauration des rives. Mais en 2001, le réveil fut brutal. On a observé au printemps une profusion d’algues qui brouillait sérieusement l’eau du lac. Le 28 mai la clarté n’étaient que de 2,2 mètres au lac Clair alors qu’elle atteignait plus de 4 mètres dans les trois autres lacs. À la mi-juin, à peine 3 mètres alors qu’on mesurait 6 au lac Curran.

Le lac Clair durant les années soixante

C’est alors que l’ARD prit le taureau par les cornes, Une grande campagne d’inspection des installations septiques fut entreprise avec la collaboration des quatre municipalités concernées. On démontra que le quart des installations septiques autour du lac Clair étaient déficientes. Merci aux dirigeants de l’ARD qui ont su agir vigoureusement au bon moment.

On s’est bien rendu compte à cette époque que le décompte des coliformes et la mesure de l’acidité étaient des outils bien insuffisants pour contrôler la qualité de l’eau dans nos lacs. Ce qu’il fallait connaitre, c’était la quantité de phosphore, le nouvel ennemi. Un premier programme fut élaboré par Robert Reichelt qui menait alors la charge dans ce dossier. Mais lorsqu’on apprit que le gouvernement du Québec venait de créer le Réseau de surveillance volontaire des lacs, l’association s’est rapidement jointe au programme. C’était en 2006.

Nous avons maintenant six années de données. Le niveau de phosphore dans nos lacs a considérablement diminué. Nos lacs sont parmi les plus en santé du Québec. Merci à nos pionniers. Merci à l’ARD.

Auteur: Jacques Pigeon 02-2013

2 reflexions sur “La petite histoire de l’ARD

  1. Pingback: nicole r

  2. Yves Poirier

    Le travail de l’ARD au cours des annees est exceptionnel,. Nous profitons tous des efforts au cours des dernieres annees de tous ces pionniers.
    Merci a l’ARD et longue vie

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