Les grands enjeux des lacs du Québec: plantes exotiques envahissantes, navigation, gouvernance et changements climatiques.

France et moi avons participé les 7 et 8 juin au Forum national sur les lacs, tenu au Mont-Tremblant. Dans les lignes qui suivent, je vais vous faire part des principaux enjeux et démarches entreprises lors de ce sommet pour mieux protéger les lacs du Québec.

En tête de liste le myriophylle à épi!

Plutôt que de vous offrir un traité sur cette plante, j’ai choisi de vous parler du Lac O’Malley. C’est un joli petit lac, à peu pres de la taille du lac Boyd, situé en Estrie, au bas du Mont Orford. C’est un lac de tête avec une profondeur moyenne de 3,8 mètres.

Il y a une dizaine d’années, on y a découvert du myriophylle à épi. Beaucoup de myriophylle à épi; deux gros herbiers, un à chaque extrémité du lac. Il fallait donc agir pour sauver le lac.

Des grands travaux de restoration ont été entrepris – toiles de jute et arrachage avec des plongeurs – pour contrôler l’invasion. Jusqu’ici, il a fallu investir pas moins de 200,000$ et de nouveaux budgets seront nécessaires à chaque année pour contrôler l’invasion. Le projet a été financé principalement par une taxe spéciale imposée aux résidents riverains et ceux qui ont un droit d’accès au lac.

Bassin versant du lac O’Malley.

Vous vous demandez peut-être comment ce lac non navigable a pu être contaminé? Les experts n’ont pas de certitudes mais l’hypothèse la plus vraisemblable est qu’une embarcation qui a navigué dans un lac voisin, au cours des heures précédentes, possiblement le grand lac Memphrémagog où l’on trouve plusieurs herbiers de myriophylle à épi. Notre situation est bien différente car aucun lac d’Argenteuil n’est contaminé.

Si vous voulez en savoir plus, consultez ce document.

Vous aurez compris qu’on ne badine pas avec le myriophylle à épi et que le proverbe : une once de prévention vaux mieux qu’une livre de traitement, ou encore, mieux vaut prévenir que guérir, prend vraiment tout son sens ici.

C’est pourquoi il est si important de laver toutes les embarcations provenant de l’extérieur avant de les mettre à l’eau dans nos lacs. La méthode est bien expliquée ici.

La navigation sur nos lacs.

Au Canada, la navigation est régie par la Loi sur la marine marchande. C’est une loi qui a pour but principal de régir le transport maritime, comme les paquebots, les vraquiers. Mais elle s’applique aussi aux embarcations de plaisance. Vous dire qu’elle est totalement inadaptée à la navigation sur nos lacs est un gigantesque euphémisme. Par exemple, le processus pour obtenir le statut de lac non navigable peut facilement prendre 7 ans même lorsqu’il est entre les mains d’un chargé de projet expérimenté. Pensez-y un instant: on compte des dizaines de milliers de lacs au Québec et autant dans plusieurs autres provinces. Impossible pour un gouvernement central de gérer çà!

Au Forum, qui regroupait des représentants d’associations de lacs, d’élus et fonctionnaires municipaux ainsi que des scientifiques, ce fut un cri unanime: il faut que ca change! La solution est simple: un arrangement administratif entre Ottawa et les provinces pour déléguer la navigation sur les lacs comme les nôtres au gouvernement du Québec et aux municipalité qui sont les mieux placées pour déterminer si un lac doit être navigable et, si oui, quelques restrictions devraient d’appliquer.

Des discussions entre les niveaux de gouvernement sont actuellement en cours. Espérons qu’elles aboutiront car aujourd’hui, c’est souvent le free for all!

Les changements climatiques.

Les printemps hâtifs dans la forêt boréale, alors que les sols sont secs et couverts d’aiguilles et de cônes remplis de résine, créent des conditions propices aux feux de forêts car les feuilles, qui brulent mal, ne sont pas encore développées. Les événements récents en Alberta et au Québec en témoignent. Mais il n’y pas que nos forêts qui subissent les effets des changements climatiques. Nos lacs se réchauffent: +0,3 degrés au cours des 15 derniers années. Ça peut sembler peu mais sur une longue période, c’est préoccupant. De plus, la durée du couvert de glace diminue de façon importante, soit presque un mois.

Lac Boyd 2 octobre 2022.

Ce qui veut dire un milieu plus favorable au développement des algues-bleu vertes et autres – ainsi que de multiples plantes aquatiques pas toujours désirées. Nos lacs, déjà fragiles, le seront encore plus. Les mesures de protection contre l’enrichissement devront être renforcées.

Les données du Réseau de surveillance volontaire des lacs (RSVL) sur le phosphore.

Trousse échantillonnage.
La trousse d’échantillonnage.

En 2018, j’ai écrit que les résultats de 2017 de nos lacs, plus particulièrement les données de phosphore, étaient trop beaux pour être vrais. Malheureusement, j’avais raison. Depuis, le processus de mesure du phosphore a été revu et corrigé. Ainsi, on s’est rendu compte que la fiole en plastique utilisée absorbait du phosphore. On utilise maintenant un contenant en verre. De plus, la taille de l’échantillon d’eau utilisée pour l’analyse a été fortement augmentée. On a aussi ajusté le robot utilisé au laboratoire et fait quelques autres ajustements. Les données entre 2012 et 2018 doivent donc être révisées pour permettre une évaluation du programme.

Ce redressement est fait à partir de mesures de chlorure. Nous prélevons ainsi un échantillon d’eau de plus lors de chaque prélèvement pour les mesurer.

Je tiens toutefois à vous rassurer; les données depuis 2019 sont tout-à-fait fiables. Et elles montrent que nos lacs sont en très bonne santé comme vous avez pu le lire dans ma publication de mars dernier.

Continuons à protéger nos lacs comme nous protégeons nos enfants.

5 reflexions sur “Les grands enjeux des lacs du Québec: plantes exotiques envahissantes, navigation, gouvernance et changements climatiques.

  1. Catherine Chagnon

    Enfin une analyse pragmatique selon des données récentes. Merci à vous!

  2. Esther Guérard. Gustavo Labbé.

    Merci Jacques pour cet excellent compte-rendu car la préservation des lacs est un enjeu majeur.

  3. Johanne Vallee

    Merci Jacques pour cet excellent résumé qui met en évidence l’importance que nous devons accorder à la préservation de nos lacs.

  4. François Côté

    Merci pour votre travail de sensibilisation et d’éducation. Nos lacs sont des joyaux.

  5. Philippe

    Merci pour ce sommaire. On connaît les problèmes mais c’est fantastique qu’ils ont amené tous les intervenants ensemble afin d’établir les priorités et mettre en oeuvre un mouvement.
    De notre côté (les associations) on doit aider à sensibiliser nis résidents à ce niveau d’action. Merci encore

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